L’Europe en questions au collège Louis Merle de Secondigny

26 janvier 2024
L’Europe en questions au collège Louis Merle de Secondigny

Vendredi dernier, le collège Louis Merle de Secondigny recevait Elisabeth Morin-Chartier pour parler d’Europe. Députée au Parlement européen de 2007 à 2019 ; depuis 2022 membre du Comité d’éthique de la Commission européenne, cette Deux-Sèvrienne d’adoption, née dans la Vienne, a à cœur de transmettre aux jeunes générations les enseignements de son parcours et ses convictions les plus profondes.
Valérie Guérin, enseignante d’Histoire-Géographie au collège Louis Merle, avait préparé cet échange avec les élèves des deux classes de 3e quelle conduit chaque année au printemps en voyage scolaire à la découverte de sites emblématiques dont le Parlement européen à Strasbourg à chaque fois que c’est possible.

C’est donc une assemblée attentive et studieuse qui a pu échanger pendant près de deux heures avec une citoyenne toujours très engagée et "profondément attachée à l’Europe".
Parmi les questions : "Qu’est ce qui vous a motivée à devenir eurodéputée ? Pourquoi pas plutôt députée en France ?"
"L’esprit européen, c’est une autre dimension. Celle du consensus avec 705 députés de 27 Etats membres qui s’expriment dans 24 langues. Ce cadre nous oblige à nous ouvrir, à essayer de comprendre comment réfléchissent les Suédois par exemple. C’est très enrichissant et le respect de l’autre y est omniprésent."

"Est ce que vous faisiez un métier en parallèle ?"
"Mon métier au début de ma carrière professionnelle était professeure d’Histoire. Mais le Parlement européen interdit à un fonctionnaire d’un Etat membre de devenir député européen. Il faut être au-dessus des combats nationaux, c’est ça l’esprit européen. Néanmoins, dans ma carrière d’élue, régionale d’abord (Ndlr : Elisabeth Morin-Chartier a été présidente de la Région Poitou-Charentes) puis européenne, mon métier m’a été utile car quand on s’exprime, il faut souvent faire preuve de pédagogie !"

"Combien d’années peut-on rester député ?"
"Chaque Etat membre décide de son organisation. En France, les élections prochaines auront lieu le 9 juin 2024, mais dans toute l’Europe, elles vont s’étirer sur 4 jours car en Belgique par exemple les élections ont lieu lors d’un jour de travail et voter y est obligatoire ! Les Allemands par exemple disent qu’il faut 3 mandats pour être efficace : 1 pour apprendre, 1 pour comprendre, 1 pour diriger ! Mais certains Allemands en sont à leur 5e mandat ! En France, ce sont les partis politiques qui désignent les candidats. Parfois ce sont d’anciens ministres... D’une manière générale, la France ne prend pas très au sérieux ce mandat européen !"

"Quels sont les critères pour entrer au Parlement européen ?"
"Je serais tentée de dire qu’il faudrait des gens qui travaillent ! Lors de mon premier mandat, je siégeais entre un Espagnol de 60 ans et une Lituanienne de 27 ans. Au Parlement il y a une crèche avec plus de 200 enfants, des chaises hautes à la cantine... On est loin des salons feutrés de notre Parlement français."

"Pouvez-vous nous dire comme se déroulait votre journée ?"
"Je vais plutôt vous dire qu’à l’époque, je résidais à Poitiers. Je prenais l’avion très tôt le lundi matin pour rejoindre Lyon où un autre avion me transportait à Strasbourg ou Bruxelles. J’y restais jusqu’au jeudi. La fin de semaine étant consacrée à des contacts avec les électeurs localement ou à des déplacements en Europe. En semaine donc le rythme était soutenu entre les réunions de travail et les sessions au Parlement, c’était du 7H30-22H30. La démocratie à l’européenne - qui fonctionne très bien sans majorité absolue - demande beaucoup de travail en amont, de concertations."

"La place des femmes ?"
" Il y a une Union européenne des femmes, qui a été fondée en 1953 en Autriche. Je l’ai longtemps présidée. Sa mission est de renforcer l’enracinement de l’Europe dans la Société avec des femmes porteuses de ces idées. Il y a encore beaucoup d’inégalités en Europe et il ne faut jamais croire que les droits sont définitivement acquis. Dites vous bien que TOUS les métiers sont fait pour tout le monde !"

"Comment un pays peut-il entrer dans l’Union européenne ?"
"Il faut qu’il pose sa candidature. Ensuite il y a de nombreux critères à respecter. Je suis allée former des Bulgares quand ils sont entrés dans l’UE sur le partage de la direction en entreprise. Chez eux, les patrons étaient imposés par le pouvoir politique. Idem avec le syndicalisme en Roumanie, je les ai formés à une certaine décentralisation car il n’y avait qu’un pouvoir central piloté par la Russie."

"Que pensez-vous du classement PISA qui place l’Estonie devant la France ?"
"L’Estonie fait partie de ces pays entrés très tard dans l’UE mais qui sont très en avance sur l’éducation. Ils sont voisins de la Russie et ils ont une volonté forte de développement au sein de l’Europe. En France on a toujours l’impression d’être les meilleurs sur tout et cette arrogance française est souvent un handicap. La clé c’est le travail et aussi les langues étrangères. Le monde du travail est international aujourd’hui !"

"L’Europe est-elle stable aujourd’hui ?"
"Nous avons connu des moments difficiles, crise financière, COVID... L’Union Européenne a toujours répondu à la guerre par la paix. Mais nous voyons bien aujourd’hui qu’il va falloir une défense européenne ! La guerre en Ukraine a remis ce sujet sur le devant de la scène. Thierry Breton, Commissaire européen français porte même un projet de fonds de développement industriel d’une Europe de la Défense."

Les échanges se sont poursuivis à la fin en plus petit comité et certains collégiens sont revenus avec Madame Morin-Chartier sur la notion d’engagement, notamment en politique. Certains avaient des questions sur ERASMUS, des pistes de stages en Europe. Les étoiles européennes dans les yeux de ces ados, certainement la récompense pour l’équipe enseignante et cette élue toujours très engagée !

CR